(OTTAWA) - Le Canada doit faire plus de recherche sur la prévention des maladies humaines causées par la dégradation de l’environnement. Ce genre de recherche doit se faire à l’échelle communautaire, ce qui permettra d’adopter des mesures préventives qui seront mieux adaptées aux communautés touchées.
Avant de devenir chef adjoint du Parti vert du Canada, j’ai été un environnementaliste qui a travaillé dans des communautés où les gens devaient vivre avec le cancer et d’autres maladies dont les causes, démontrées ou fortement présumées, étaient attribuables à des substances chimiques toxiques ou une contamination bactérienne de l’eau, du sol et de l’air. J’ai travaillé avec des gens dont un grand nombre étaient atteints de cancer du cerveau près de la base militaire de Valcartier à Shannon au Québec ou avec des femmes atteintes de cancer qui vivaient près de l’aciérie et des étangs de goudron de Sydney en Nouvelle-Écosse ou encore avec des gens malades au Québec qui avaient été exposés à une bactérie après avoir nagé dans des lacs et des rivières pollués par des débordements d’égouts. Il est clair que les gouvernements ont été laxistes dans la prévention des effets sur la santé de la dégradation de l’environnement.
Actuellement, les initiatives de recherche en santé environnementale se sont concentrées sur les effets néfastes sur la santé d’un environnement dégradé. Ces recherches sont essentiellement effectuées en mesurant l’exposition des humains à différents types de polluants environnementaux et en déterminant les effets sur la santé dans la population exposée. Récemment, ce domaine de recherche s’est élargi en un concept de santé des écosystèmes : une approche écosystémique de la santé humaine. La prévention est un aspect important de la recherche environnementale et de la santé des écosystèmes.
Cependant, si la recherche en santé environnementale vise à engendrer des avantages pour la société, cela doit mener à des actions pour prévenir la dégradation. Je crois que cela peut être fait en ayant des méthodes de recherche communautaires qui prennent en considération la communauté touchée.
Ma réflexion prend sa source dans vingt années d’expérience dans la prévention à l’échelle communautaire contre les maladies environnementales dans les villes, les villages et les communautés autochtones du Canada qui sont touchés par la dégradation environnementale.
En fait, y a-t-il de meilleures façons d’inciter une communauté à agir pour réduire les cas de maladie causés par l’exposition à un environnement pollué que d’amener cette communauté à participer à la recherche sur les effets sur la santé de cette exposition environnementale?
L’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC) est l’organisme fédéral de financement du Canada pour la recherche sur la santé. Cet organisme soutient plus de 13 000 chercheurs de la santé. L’une des priorités de l’Institut, c’est de se préparer aux menaces actuelles et probables à la santé des Canadiens et d’y répondre. L’intérêt public est au cœur du travail de l’Institut. Pour ce faire, les chercheurs sont invités à adopter des approches novatrices en recherche pour faire face aux défis relatifs à la santé des citoyens du Canada.
Voilà pourquoi l’IRSC devrait en faire plus pour financer la recherche à l’échelle communautaire de la prévention des maladies de l’environnement. Cela permettrait un rendement sur l’argent investi plus grand en ce qui a trait au financement de la recherche en santé environnementale.
La recherche en santé environnementale bénéficierait d’une participation directe d’une population exposée et touchée par la dégradation de l’environnement. Cela aurait aussi comme conséquence une population mieux informée qui exigerait une réduction de déversements de produits chimiques toxiques et d’agents pathogènes, réduisant par le fait même l’exposition nocive. Voilà ce que j’appelle de la prévention réelle par la population.
Un exemple novateur de participation de la communauté dans un projet de recherche en santé environnementale est l’utilisation d’applications de portables personnels qui enregistrent des données sur des épisodes d’exposition, leurs endroits, les symptômes rapportés et les déplacements quotidiens. Cela fournirait la fréquence, l’emplacement et la durée de l’exposition et des symptômes associés.
Prenons l’asthme, une maladie dont la fréquence a augmenté au pays. On sait maintenant que l’asthme a des causes génétiques et environnementales. Si un individu ne peut changer ses gènes, il peut réduire son exposition aux polluants pour prévenir les crises. Pour ce faire, une personne atteinte d’asthme doit connaître ce qui déclenche les crises d’asthme dont elle souffre. Est-ce le chat ou les voitures sur l’autoroute proche de la maison? Seule la recherche à l’échelle communautaire sur la prévention peut répondre à cette question. La présence du chat peut facilement être résolue. Mais si la cause est plutôt l’autoroute, la personne asthmatique doit alors le savoir et peut décider de déménager ou de se battre pour que les voitures qui circulent sur l’autoroute soient plus propres ou qu’il y en ait moins. Grâce aux données enregistrées par le portable de la personne asthmatique, on peut mettre en corrélation l’heure d’une crise d’asthme et la direction du vent pour voir si les émissions de gaz à effet de serre de l’autoroute causent les crises d’asthme.
Un dernier élément des initiatives de recherche sur le cancer de l’IRSC. Manifestement, le financement fédéral qui va à la recherche sur le cancer est dirigé en grande partie vers le dépistage, le diagnostic, le traitement et le soutien du réseau. Très peu d’argent est réservé aux stratégies de prévention. Oui, nous devons augmenter le taux de survie du cancer au Canada, mais nous devons en même temps réduire les taux d’incidence de cancer, surtout parmi les jeunes.
L’IRSC parle peu de la recherche sur la réduction à l’exposition et la prévention de substances cancérigènes connues déversées dans notre environnement. Avec plus de 500 Canadiens diagnostiqués quotidiennement avec une forme de cancer et avec une hausse des nouveaux cas de cancer, nous devons établir des secteurs de recherche qui préviendraient l’exposition des humains à des substances cancérigènes déversées par l’industrie en déterminant d’où viennent les émissions et leurs trajets jusque aux humains.
Les cancers ne peuvent pas tous être évités. Mais les substances cancérigènes ne devraient pas être déversées dans notre environnement. Elle est là la prévention!