Elizabeth May: Règles de procédure Roberts – Le vote uninominal majoritaire n’a pas sa place dans le Parti vert

Elizabeth May

Au début d’octobre, vous recevrez par courriel des informations importantes. En plus de vous fournir plus de détails au sujet de la réunion spéciale des membres qui se déroulera les 3 et 4 décembre, à Calgary, on vous demandera de voter en ligne sur une modification à notre Constitution.  

Je vous prie de rester à l’affût de ce scrutin en ligne et de voter.

Cela peut sembler une question de routine, mais il est extrêmement important que vous votiez NON à la proposition de modifier notre Constitution pour y enchâsser les règles de procédure Roberts comme notre processus décisionnel.

Si vous faisiez partie du « un pour cent » de nos membres présents en août à notre congrès annuel, à Ottawa, vous êtes au courant qu’un vote s’est tenu au commencement de la réunion. J’ai exprimé mon opposition à utiliser les règles de procédure Roberts pendant la fin de semaine. Néanmoins, je me suis laissée convaincre de les mettre à l’essai. Plus jamais!

La prise de décisions chez les Verts de partout dans le monde, comme au Canada, a toujours été par consensus. Nos congrès, qui ne sont pas financés afin de garantir une représentation régionale proportionnelle, sont toujours suivis d’un vote en ligne pour s’assurer que tous nos membres, qu’ils aient participé au congrès ou non, aient leur mot à dire sur le résultat.

Pour la première fois à notre congrès de 2016, et pour des raisons tout à fait étrangères et non malicieuses, des modifications importantes ont été apportées simultanément au processus décisionnel de notre Parti. À ce congrès, nous avons mis de côté notre volonté primordiale de trouver un terrain d’entente, choisissant plutôt les règles de procédure Roberts, et nous avons décidé d'appliquer à nouveau une décision du congrès de 2012 voulant qu'un vote de ratification ne soit pas nécessaire, sauf pour les modifications à la constitution.

Peu importe les politiques qui auraient été adoptées pendant le congrès, j’aurais fait valoir au mieux de mes capacités que ce processus était inacceptable. J’ai accepté, à contrecœur, de suivre ces règles pour ce congrès seulement, à titre d’expérience. Ce fut un désastre. Ces règles vont à l’encontre de nos valeurs fondamentales.  

En repensant à l’étrange expérience d'une réunion du Parti vert sous les règles de procédure Roberts – l’efficacité, la prise de décisions rapide qui laissait des intervenants derrière le microphone qui avait été coupé et le mécontentement qui en découlait –, les rapprochements avec notre processus électoral sont devenus écrasants. J’ai réalisé que, sans le vouloir, nous avions abandonné la même structure politique que nous souhaitons voir adoptée pour le parlement et le système électoral du Canada. Nous étions passés d’un processus décisionnel par consensus à un système de vote uninominal majoritaire. L’ironie était renversante.

Depuis ma nomination au Comité parlementaire spécial sur la réforme électorale, je suis beaucoup informée par des recherches et documents universitaires en sciences politiques. Alors que j’avais l’habitude de catégoriser les systèmes électoraux en tant que système uninominal majoritaire à un tour (SMUT) ou système à représentation proportionnelle (RP), j’ai tendance maintenant à utiliser la terminologie du professeur Arend Lijphart, professeur émérite de l’Université de Californie. Le professeur Lijphart est l’un des plus grands experts au monde sur la question des systèmes électoraux. Il a examiné 36 démocraties modernes et leurs résultats électoraux, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à ces dernières années. Il a classé les systèmes électoraux sous deux grandes familles : majorité et opposition (SMUT, mode de scrutin préférentiel) et consensuel (toutes sortes de RP – SRPM, VUT, etc.).

Voici comment le professeur Lijphart décrit ces deux familles dans son témoignage devant notre comité parlementaire :

« Pendant longtemps, on a surtout pensé que la RP présentait de légers avantages pour ce qui est d’assurer une représentation politique plus précise et une représentation des minorités, mais que le SMUT et les cabinets à parti unique étaient beaucoup plus avantageux pour assurer l’efficacité du gouvernement. Les cabinets à parti unique ont été présentés comme étant plus décisifs et plus capables à la fois de prendre des décisions rapides et d’élaborer des politiques cohérentes que les cabinets de coalition. Cet argument semble logique, mais il ne tient pas compte de quelques arguments contraires également logiques. Tout d’abord, les décisions rapides ne sont pas nécessairement des décisions intelligentes... les politiques appuyées par un vaste consensus sont plus susceptibles de connaître du succès et de maintenir le cap que les politiques imposées par un gouvernement qui prend des mesures décisives allant à l’encontre de ce que souhaitent d’importants secteurs de la société. »

Les preuves tendent à démontrer que la démocratie consensuelle est supérieure à la démocratie majoritaire en ce qui a trait à la mise en place d’un gouvernement efficace et à l’élaboration de politiques et qu’elle est largement supérieure quant à la qualité de la démocratie. »

La prise de décisions par consensus demande plus de temps. Elle exige une culture politique d’écoute respectueuse de personnes avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Mais elle est sans aucun doute la voie à suivre pour l’élaboration de saines politiques – au Canada comme au Parti vert.

Il est essentiel que les membres votent en nombre suffisant en ligne contre cette ratification qui rendrait impossible la prise de décisions par consensus au sein du Parti vert du Canada. J’ai besoin de votre aide. Veuillez vous assurer que vos amis et collègues membres du Parti vert comprennent bien que cet enjeu est très important.

Merci!

Elizabeth May, Chef