La dernière manœuvre du premier ministre, qui a appelé la gouverneure générale pour lui demander de proroger le Parlement jusqu’au début du mois de mars, démontre une fois de plus toute la profondeur de son cynisme et sa grande maîtrise du calcul politique. Comme l’ont fait remarquer de nombreux commentateurs, de Jeffrey Simpson à John Ibbitson à Andrew Coyne, rien ne peut expliquer un tel outrage à la démocratie. Et comme l’a fait valoir Ibbitson, Harper a probablement raison de croire que bien peu de gens s’offusqueront de cette manœuvre entre Noël et le jour de l’An. Kathy O’Malley a noté le ridicule des raisons qui pourraient justifier cette prorogation. Le Parlement entraverait-il les Jeux Olympiques? Les athlètes percevraient-ils la période des questions comme un optimiseur de performance artificiel?
Il n’existe aucun précédent. Étonnamment, d’autres nations ont réussi à faire fonctionner leur gouvernement pendant les Jeux Olympiques. Le critique du CPM, Dimitri Soudas, aperçu pour la dernière fois à Copenhague alors qu’il haranguait et accusait faussement Steven Guilbeault d’être à l’origine d’un canular ayant mis le Canada dans l’embarras, a annoncé que la prorogation était nécessaire pour permettre au gouvernement de « recalibrer » sa stratégie économique. « Recalibration », voilà le terme qu’il a sorti de son chapeau. De toute évidence, si le Parlement avait siégé, cela aurait émis des vibrations qui auraient nuit à l’immobilisme requis pour cet exercice de « recalibration ». Comme l’a dit Coyne, c’est de la « chaire à canon ».
Et maintenant? Nous devons prévoir l’imprévisible. Nous devons protester haut et fort contre cet outrage à la démocratie – parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous devons nous soutenir les uns les autres, appuyer les efforts des autres partis et le leadership apolitique. Chaque fois que retentit un appel à la démocratie clair et convaincant, il faut accompagner et soutenir cette voix.
Lorsque j’ai écrit mon dernier livre (Losing Confidence: Power, Politics and the Crisis in Canadian Democracy), je croyais avoir vu les pires abus autorisés par notre système de gouvernement. Mais ce dernier affront est encore pire que les précédents. La manœuvre de Harper cette semaine part du principe que bien peu de Canadiennes et de Canadiens s’intéressent à la démocratie et au rôle du Parlement. Harper pense que le Parlement peut être muselé pour des caprices politiques sans importance. Il croit que la législation, les comités parlementaires, l’obligation du gouvernement de rendre des comptes, l’élaboration d’un plan climatique, l’avancement du dossier sur les régimes de retraite, la commission d’enquête sur les allégations de mauvais traitements infligés aux prisonniers et à certains civils afghans sont sans importance. En fait, cette manœuvre prouve tout simplement que M. Harper n’accorde pas suffisamment d’importance à tout cela pour se soucier des conséquences.
Dans l’intérêt de la démocratie, espérons que cette fois il s’est trompé dans ses calculs et qu’il sera puni pour son cynisme.