Le budget 2010

Elizabeth May

Visionnez la réaction de Jacques Rivard

Je me souviens de l’époque où les budgets sortaient d’abord à huis clos et où on s’attendait à découvrir des points positifs. Même dans les mauvais budgets, on parvenait toujours à trouver un ou deux nouveaux programmes environnementaux. Dans un bon budget, comme celui de Mulroney en 1990 ou celui de Martin en 2005, on risquait de tomber à la renverse en tentant d’établir la liste de toutes les bonnes initiatives.

On pourra toujours dire ceci du premier ministre Harper : ses budgets ne sont ni renversants, ni époustouflants. En fait, ils entraînent plutôt d’autres effets secondaires pour la santé, comme la dépression et la nausée.

Par exemple, le budget 2010 retire tous les projets de production d’énergie précédemment régis par l’Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) pour placer les évaluations environnementales entre les mains de l’Office national de l'énergie (ONE) et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) pour les projets liés au nucléaire.

On entend d’ores et déjà le gouvernement affirmer que ces modifications seront sans conséquence. En fait, ils appellent ça « moderniser le régime de réglementation ». Le problème est que l’ACEE a été créée précisément dans le but d’accroître la participation du public. L’ACEE s’est dotée d’un processus clair pour les intervenants et le grand public qui favorise leur participation. Le processus est informel et accessible. En revanche, l’ONE est un organisme quasi judiciaire. Très peu d’intervenants osent s’y aventurer sans avocats. Il n’a jamais favorisé la participation du public et il comprend bien mal les enjeux et la portée d’une évaluation environnementale. La CCSN aussi est très formelle, sans compter qu’elle a souffert les conséquences du limogeage de Linda Keen. Comment cette organisation pourrait-elle fournir une quelconque évaluation environnementale? Ces modifications représentent un inconvénient de taille pour les groupes écologistes et autochtones. Ironiquement, le motif évoqué (gagner du temps) ne tient pas la route. L’ACEE était très efficace. La véritable motivation est sans doute de faire approuver rapidement les projets.

Comme ce fut le cas pour le programme Énergie verte, l’Initiative écoÉNERGIE sur la technologie sera écartée, malgré tout le succès qu’elle connaît. En fait, elle est morte en 2009 puisqu’elle était déjà sursouscrite en 2008. Le budget 2010 contient effectivement des déductions pour amortissement accélérées pour l’énergie renouvelable, mais le seul nouveau programme proposé, soit l’Initiative sur les énergies renouvelables de prochaine génération, est doté d’un maigre 100 millions de dollars sur quatre ans et vise essentiellement le secteur forestier, probablement pour des projets de biomasse ou d’éthanol cellulosique.

Le budget 2010 amène également une hausse des charges sociales. D’ici 2015, ce sont 29 milliards de dollars supplémentaires qui auront été recueillis grâce aux nouvelles cotisations à l’assurance-emploi. Cette taxe néfaste sur l’emploi menace la reprise économique du Canada. Et pendant que les travailleuses et les travailleurs verront leur paie diminuer et que les petites entreprises seront contraintes de retarder leurs projets d’embauche, les sociétés bénéficieront quant à elles de nouvelles réductions d’impôt.

D’après ce budget, le déficit serait pratiquement éliminé d’ici 2015. Cependant, les chiffres présentés sèment de gros doutes sur l’issue de l’exercice et il faudrait être bien naïf pour y croire. Flaherty entend frôler l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans en augmentant les recettes provenant d’une source que le gouvernement a prévu réduire. En effet, le produit de l’impôt sur les sociétés subira une hausse de 40 % sur les cinq prochaines années, et ce, malgré la réduction du taux d’imposition des sociétés. Les autres mesures prévues pour contrer le déficit comprennent la hausse des charges sociales, la réduction des dépenses militaires (de 2,5 milliards de dollars), la réduction du budget de l’ACDI (de 4,5 milliards) et les coupures de Stockwell Day visant « l’administration » du gouvernement (de 6,8 milliards de dollars).

Si vous espériez entendre parler de la réforme des pensions, vous risquez d’être déçu. Un début de consultation est prévue pour le mois de mars. Fait intéressant, il n’y avait rien non plus sur d’éventuels changements au financement des partis politiques.

Le budget 2010 contenait malgré tout quelques points positifs : la surveillance civile de la GRC par le biais d’un nouvel organisme (très peu de précisions); 30 millions de dollars sur deux ans à l'appui d'une entente tripartite sur l'éducation des élèves des Premières nations de la maternelle à la 12e année; 8 millions de dollars par année pour les Grands Lacs (la fameuse goutte d’eau dans un océan de toxines); et la réduction des écarts fiscaux causés par la Prestation universelle pour la garde d'enfants pour les parents seuls à faible revenu.

Dans l’ensemble, ce gouvernement ne se sent pas le moins du monde concerné par la crise climatique et n’a absolument aucun plan pour éviter le réchauffement climatique galopant; en fait, les conservateurs se réjouissent déjà de la fonte prochaine des glaces de l’Arctique et font déjà des projets pour accroître la surveillance des convois de marchandises. Enfin, ils ne proposent rien de concret pour favoriser la création d’emplois.

Nous devons cependant reconnaître leur constance sans faille. Les conservateurs sont parvenus à éliminer le rouge de l’éventail de couleurs primaires en présentant le budget sous une couverture ornée d’un savant mélange de feuilles bleues et de flèches vertes; sur la couverture arrière, même le drapeau canadien est bleu et blanc. D’abord l’hymne national, et aujourd’hui le drapeau. Décidément, les conservateurs ne sont pas très épris de nos traditions.

Visionnez la réaction de Jacques Rivard