Le vote des jeunes

Elizabeth May

Voici un antidote au climat électoral morose. Je n’ai pas apporté de modifications à cette lettre (cependant, à sa demande, j’ai effacé le nom du jeune auteur avant de la publier). Je trouve inspirant qu’une personne de quinze ans puisse réfléchir de façon aussi approfondie sur la nature de la démocratie.  

Chère Madame May,


Bonjour! Je suis un étudiant du secondaire de quinze ans de Vernon, une ville de la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique. Vous avez eu l’amabilité de signer mon exemplaire de votre excellent livre Losing Confidence (Perte de confiance) dans une petite librairie lorsque vous étiez venue prêter main-forte à Jane Sterk et à Huguette Allen pendant leur campagne provinciale avant les élections de 2009 en Colombie-Britannique. Vous m’aviez également laissé votre adresse de courriel, j’en suis très reconnaissant. Ce soir-là, j’ai écouté votre discours profond et engageant sur votre livre. Je vous demande de me pardonner d’avoir réagi aussi tard à votre chapitre intitulé « What if There Was An Election and No One Came? (Et s'il y avait une élection et que personne n’allait voter?) ».


Juste avant d’assister à votre séance de signatures, j’avais réalisé un projet d’éducation dans une école primaire où nous avions donné à des élèves de sixième année un aperçu du processus d’émission des gaz à effet de serre et expliqué l’importance des arbres sur la planète. Nous avions également joué au chat perché « CO2 » où nous avons initié les élèves des autres années aux échanges gazeux des plantes.

À mon grand regret, le livre m’est sorti de l’esprit pendant trop longtemps, surtout parce que nous avons eu une très bonne collecte de fonds à notre club scolaire d’éducation environnementale (www.kalteamgreen.info); nous avons recueilli 200 $ en trois jours seulement. Cinq jours plus tard, ma grand-mère m’a emmené à Ottawa pour mon anniversaire. Elle savait que je voulais en apprendre plus sur notre gouvernement et notre nation. Ce voyage a été passionnant et j’espère le refaire bientôt.

Depuis notre rencontre, il s'est passé beaucoup de choses. J’ai parlé à cinq membres de ma famille du vote unique transférable en vue du référendum, mais, à grand regret, j’ai vu cette option clairement rejetée le soir de l'élection. J’ai également vu la détérioration de nos relations internationales et les problèmes de la nation avec le programme d’assurance-emploi.

Après un été très occupé, j’ai décidé de lire le chapitre sur l’intérêt envers la politique et le vote des jeunes. Je suis très enthousiaste à l’idée de vous donner ma réponse à ce chapitre comme je l’avais promis à Mme Sterk, à Mme Allen et à vous lors de votre visite à Vernon.

En tant que jeune, votre opinion selon laquelle les parents et les familles ne passent plus assez de temps ensemble en raison d’horaires chargés est tout à fait pertinente pour moi. Pour cette raison, comme vous l’avez dit, nous n’avons plus le temps de faire des débats politiques miniatures autour de la table. D’ailleurs, dans ma famille, je dois travailler très fort pour trouver quelque chose qui déclenchera une discussion sur la politique canadienne. Cependant, je ne crois pas que ces débats pourraient stimuler l’intérêt de mes pairs sur le fonctionnement de notre gouvernement. Je crois malheureusement qu’ils quitteraient la table, tout simplement. À mon avis, il faut qu’ils se sentent à l’aise de parler librement du gouvernement et des chefs partout, pas seulement à la maison. Vous discutez dans votre chapitre des clubs au secondaire et de l’interdiction de s’affilier politiquement dans les écoles. Je suis d’accord, il faut que ça change. Sans compter que parler d'appuyer un parti peut causer des problèmes à l'élève. Cela rend les choses « inconfortables » ou « délicates », et c’est peu dire. Par conséquent, les élèves ne veulent pas participer ou être associés à ce genre d’activités et cela se poursuivra indubitablement à l’âge adulte. Si les Canadiens en général encourageaient les jeunes à faire leurs revendications au gouvernement, ils se sentiraient confortables en la matière. Les jeunes du Canada doivent comprendre que leurs opinions politiques ont de la valeur et qu’elles sont admises. Je pense qu’ils seront plus intéressés à en apprendre plus sur la politique s'ils sont à l’aise avec le sujet, surtout avec le désir de changement naturel de l'esprit adolescent.

Au sujet de l’éducation, j’ai trouvé l’expression « analphabétisme civique » tout à fait pertinente. Je crois que si nous apportions quelques changements à notre système d’éducation, nous n’aurions bientôt plus à utiliser cette expression au Canada. Selon mon expérience personnelle, l’élève moyen acquiert presque toute son instruction civique à l’école. Bien que je sois d’avis que le programme d’éducation secondaire canadien est assez respectable, je crois qu’il comprend quelques lacunes importantes. Nous sommes souvent gavés d’information générale non biaisée. Nous comprenons que Sir John A. Macdonald a construit le Canadien Pacifique pour lier le pays et que William Lyon Mackenzie King a été le premier ministre qui a servi le plus longtemps. Les élèves de mon année savent peut-être également que Joe Clark a été le premier ministre le plus jeune, que Kim Campbell a été la seule femme première ministre et que Tommy Douglas a proposé les soins de santé universels. Peut-être que si les élèves apprenaient les réponses à des questions comme : « pourquoi Sir John A. Macdonald a-t-il été expulsé par un libéral, puis réélu? » les élèves seraient plus intéressés. Peut-être que si les élèves savaient que le mandat de William Lyon Mackenzie King a été interrompu par une coalition dirigée par les conservateurs, ils comprendraient que la crise du Parlement de 2008 n’était pas un coup d’état. Si les enseignants voulaient présenter des sujets plus controversés, comme les croyances progressistes-conservatrices qui ont causé la chute du gouvernement minoritaire de Joe Clark ou le fouillis des programmes sociaux laissé par le premier ministre Mulroney à Kim Campbell, qui a eu un mandat météorique pour cette raison, peut-être que les élèves comprendraient les grandes questions de la politique canadienne. Après avoir été initiés aux principes de Tommy Douglas, aux idéaux socialistes du Nouveau Parti démocratique ainsi qu’aux autres croyances qu'il est possible de trouver dans les partis politiques canadiens, les élèves pourraient finalement être en mesure de comprendre l'historique du gouvernement de notre pays. Puis, peut-être après l'implantation des changements indiqués ci-dessus dans notre système d'éducation, les élèves accepteraient notre système parlementaire. Comprendre « pourquoi » serait une étape importante vers l’alphabétisme civique.

À mi-chemin dans le chapitre, vous avez écrit un passage très éloquent :

« Mais comment les jeunes sont-ils censés devenir des citoyens engagés et enthousiastes? »

Je pense qu’il existe une solution à ce problème. Nous devons rendre les élèves à l’aise avec la politique. Je suis d’avis que si les jeunes vivaient dans un environnement où les opinions politiques ne sont pas évitées et découragées, ils garderaient cette tournure d’esprit toute leur vie. De plus, si nous passions plus de temps en classe à trouver les raisons qui sous-tendent la politique canadienne, les jeunes comprendraient qu'avec le gouvernement, nous pouvons tirer le meilleur de notre nation. Même si cela prend du temps, cette mesure aurait un plus grand effet que le programme d'études secondaires actuel au Canada. Les jeunes ne devraient pas avoir peur de lire et de parler de la plate-forme électorale d'un parti. Nous pouvons changer le Canada et le monde et les rendre meilleurs! Mais seulement si quelqu’un nous donne l’occasion de comprendre et d'accepter.


J’espère que vous avez apprécié ma réponse (plutôt longue) ou que vous avez été en mesure de comprendre mon opinion. En outre, je veux vous féliciter pour avoir décidé de vous présenter dans ma province super naturelle, la Colombie-Britannique. Je sais que vous réussirez ici et que vous aurez une influence sur la politique canadienne. S'il y a une élection à l’automne (comme vous l'avez prédit au printemps), je porterai une attention particulière à la circonscription de Saanich et je vais vous encourager!  
Cordialement,
                
Circonscription d’Okanagan-Shuswap, Vernon, C.-B.