Il faut réagir aux commentaires du DeSmogBlog

Elizabeth May

Je suis une néophyte dans la blogosphère. Le premier article que j’ai rédigé pour le site du Parti vert à avoir été diffusé à grande échelle est celui sur les scientifiques de East Anglia et les courriels volés. James Hoggan, Kevin Grandia et Richard Littlemore réalisent une excellente riposte sur « DeSmogBlog » et à l’aide du nouveau livre de James et Richard, Climate Cover-up. La publication de mon article sur les courriels du CRU [Climate Research Unit de l’Université d’East Anglia, n.d.l.r.] sur le site de DeSmogBlog a attiré l’attention du New York Times, notamment. 

Après avoir lu certains des commentaires publiés sur le site, j’ai voulu réfuter quelques arguments et partager mes remarques avec les verts. Vous pourriez en avoir besoin pour vous préparer contre la montée de la propagande des sceptiques et des opposants.  

Voici un exemple de ces absurdités ainsi que ma réponse… 

Madame May, sauf le respect que je vous dois, c’est complètement absurde (sic). Si vous avez lu tous les courriels, comment avez-vous pu manquer les messages de menace destinés aux blogueurs du site ClimateAudit? Comment avez-vous pu négliger le courriel où ils déclarent être dans l’incapacité d’expliquer le refroidissement actuel? Ou les NOMBREUX messages où ils complotent pour discréditer les journaux qui continuent de publier des articles en désaccord avec le réchauffement climatique, éliminer certains éditeurs et modifier le processus d’examen par les pairs? Ou ceux sur la façon de modifier les données en y ajoutant des données sans rapport qui cachent la baisse de la température démontrée par les données sur les cernes des arbres obtenues après 1961? Pourquoi n’avez-vous pas commenté ces messages?

JR Wakefield 

Merci à  JR Wakefield (bien que le passage « sauf le respect que je vous dois » aurait semblé plus sincère si votre titre n'était pas « Liz, tu as manqué les passages les plus savoureux »). 

Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas de « passages savoureux ». J’ai lu des messages excessifs rédigés en privé montrant le degré de frustration causé par des années de harcèlement. Personne n’aime se sentir assiégé. Peu d’entre nous ont vécu le harcèlement ciblé qu’ont subi les scientifiques du CRU à East Anglia.

Il y a un message où un collègue se préoccupe du fait que les modèles ne semblent pas expliquer où va le forçage de la chaleur causé par l’énergie solaire absorbée dans l'atmosphère.

La discussion commence lorsque Stephen Schneider, l’un des scientifiques du climat mondialement connus, exprime son inquiétude sur le fait que la BBC trompe le public sur les données scientifiques actuelles :

Quelqu’un pourrait-il expliquer les concepts de variabilité naturelle décennale, de rapport signal-bruit et d’erreurs d’échantillonnage à ce nouvel « auteur de renom du GIEC » de la BBC? En ce début d’épisode d’El Niño et de fin du ralentissement, présumé, de l’activité solaire qui a causé une diminution du forçage de quelques dixièmes de watts par mètre carré, il y aura probablement une autre augmentation soudaine, comme en 1992-2000. J’ai entendu que quelqu’un (Mike Schlesinger peut-être?) était prêt à parier que ce réchauffement se produira dans les cinq prochaines années. Même si on a vu une tendance à la stabilité dans la température moyenne du globe pendant les dix dernières années, nous avons enregistré pendant cette période neuf des années les plus chaudes des 1000 années que nous avons pu répertorier ainsi qu’une réduction considérable de la glace du Groenland et de la glace marine du Nord. Certains d’entre vous, spécialistes de l’observation, devraient mettre les choses au clair, comme mes étudiants le suggèrent ci-dessous.

Traduction : La BBC a ciblé cette année de « refroidissement » et ignore les décalages du système climatique de la planète. Comme j'ai essayé de l’expliquer lors du Munk Debate, la modélisation du climat ne sert pas à vérifier la hausse de la température d’année en année. Elle prend tout son sens à l'échelle des décennies.

Vous devez comprendre le concept de décalages. Les GES émis aujourd’hui auront un effet sur le climat pendant les 100 prochaines années. Le système climatique est immensément grand et complexe et les terres se réchauffent plus vite que les océans. Il comprend également des éléments qui sèment la confusion : le cycle de 11 ans de l’activité solaire ou El Niño (appelé « ENSO » dans les courriels de East Anglia, qui se traduit par « oscillation australe El Niño ») qui contribuent au réchauffement, ainsi que les volcans (comme le mont Pinatubo ou les sulfates et les particules provenant de l'utilisation du charbon) qui peuvent, ironiquement, masquer la tendance au réchauffement. Ces effets sont temporaires, et les scientifiques cherchent à les filtrer lors de la création des modèles climatiques pour découvrir la répercussion du forçage anthropique sur le climat. Tous les modèles conçus pendant les dernières décennies ont montré qu’il était impossible de créer la tendance au réchauffement que subit actuellement la planète sans le forçage anthropique.

Kevin Trenberth du Colorado National Centre for Atmospheric Research (NCAR) de Boulder a répondu à Schneider. Il était intéressé depuis un moment à trouver de meilleures méthodes pour expliquer les éléments physiques de la question suivante : où va la chaleur lorsqu’elle est absorbée à la surface de la Terre par les gaz à effet de serre.

Selon le site Web du NCAR, son travail est « utilisé pour valider les modèles climatiques couples océan-atmosphère et comprendre l'importance des flux thermiques dans les changements climatiques. Il a continué à améliorer les prévisions du cycle hydrologique planétaire. Il porte une attention particulière sur les changements de type, de fréquence, d’intensité et de quantité des précipitations et donc sur la façon dont les sécheresses, les inondations et les événements climatiques extrêmes changent. »

En d’autres mots, dans le courriel ci-dessous, il fait la promotion de son propre domaine de recherche; il n’attaque pas les fondements de la climatologie.

Voici la phrase de son courriel du 13 octobre 2009, qui a été citée très souvent :

Le fait est que nous ne pouvons pas expliquer pour l’instant l’absence de réchauffement, ce qui laisse à entendre que c’est impossible. Les données du CERES publiées dans le cahier sur l’année 2008 du BAMS d’août 2009 montrent que le réchauffement devrait s’accentuer davantage : mais les données sont probablement erronées. Notre système d’observation est inadéquat.

S’amorce alors une discussion.  

Michael Mann, directeur du Earth Sciences Centre de la Pennsylvania State University, répond le jour suivant :  
 
Kevin, c’est un point intéressant. En ce qui concerne la zone envoyée par Gavin de laquelle j'ai envoyé des images, nous pouvons facilement expliquer le refroidissement de la surface avec la variabilité naturelle observée dans le modèle CMIP3 (p. ex., la petite vague de froid observée s’inscrit bien dans ce modèle). En ce sens, nous pouvons donc l’expliquer. Mais nous nous retrouvons devant une question intéressante, s’occupe-t-on du domaine de l’énergie et de la radiation, qui ne concorde pas avec les modes de variabilité interne menant aux épisodes temporaires de refroidissement dans les modèles?

Je ne crois pas que nous avons remédié à la situation, est-ce que je me trompe? 
 
Tom Wigley, un scientifique chevronné de la Climate and Global Dynamics Division, également au NCAR, et membre de la American Association for the Advancement of Science (AAAS) écrit : 
 
Bonjour à tous, 
 
Même si je risque de surcharger le courriel, voici certaines de mes notes sur l’absence de réchauffement actuel. Je l’explique de deux façons. La première consiste à observer la différence entre les tendances anthropiques observées et prévues figurant dans le fichier PDF pour trouver la variabilité naturelle. La deuxième vise à enlever les variations causées par l’ENSO, les volcans et la TSI des données observées. 
 
Les deux méthodes montrent que ce que nous observons actuellement n’est pas étrange. La deuxième méthode révèle un réchauffement considérable pendant la dernière décennie. 
 
Ces chiffres complètent le travail de Kevin sur l’énergie. 
 
Kevin dit : « Le fait est que nous ne pouvons expliquer pour l’instant l’absence de réchauffement, ce qui laisse à entendre que c’est impossible ».
 

Je ne suis pas d’accord. 
 
Tom 
 
(C’est moi qui souligne) 

D’autres scientifiques indiquent qu’ils ne savent pas encore quelle est la quantité de sulfates émise, particulièrement dans le monde en développement, qui s’industrialise rapidement. Il est certain que les sulfates (particules) ont un effet refroidissant, même lorsque la quantité de dioxyde de carbone augmente dans l’atmosphère. Dans un autre message, les scientifiques débattent de la raison pour laquelle les résultats de la NASA indiquent une température du globe plus élevée que les résultats du Hadley Center du Royaume-Uni. Une des raisons pouvant expliquer les données du Hadley Center est que le centre possède moins de points de données en milieu arctique que la NASA. Le réchauffement de l’Arctique est de deux à trois fois plus rapide que la moyenne mondiale.  

La journée suivante, le 14 octobre, Trenberth écrit qu’il ne veut pas contester personne, mais souhaitait plutôt mettre l’accent sur le fait que son domaine de recherche nécessitait davantage d’attention.  

Dans une lettre ouverte défendant les scientifiques de East Anglia (le 3 décembre 2009), il écrit :  

Je suis fier de ce que Phil et moi avons réalisé  dans le Chapitre 3 du AR4 et je suis déçu que le GIEC n'ait pas été plus direct pour défendre ses procédures. 

Les courriels privés de Trenberth sont dénaturés et considérés dans le monde entier comme une espèce de « preuve irréfutable » ou, comme le dit le scientifique financé par les industries Pat Michaels, de « champignon atomique ». 

Il n’y a pas de « preuve irréfutable » ici. Je trouve dans ces courriels, comme ceux de toutes les autres chaînes de courriels après un examen plus poussé, des messages spontanés et directs écrits par des scientifiques. Ils se connaissent bien et se parlent avec des raccourcis. Il est clair que Trenberth ne soutient pas que les scientifiques ont trafiqué les modèles pour cacher la tendance au refroidissement. Il ne nie pas non plus qu’il est urgent de réduire les émissions de GES. Il veut obtenir une meilleure compréhension de la dynamique de l’énergie sur la planète. 

Malheureusement, je vois que j’ai dû écrire trois pages pour réfuter un argument : « Comment avez-vous pu négliger le courriel où ils déclarent être dans l’incapacité d’expliquer le refroidissement actuel? » 

Pardonnez-moi de ne pas copier et coller ici tous les courriels pour réfuter les autres points de JR. Personne ne travaillait à « discréditer des journaux ». Malheureusement, il y a vraiment eu un journal en particulier qui a cessé d'utiliser le degré de rigueur scientifique approprié à un organe de publication. Il publiait des articles qui n’auraient pas franchi l’étape de l’examen par les pairs ailleurs. Les auteurs des courriels du CRU ne s’opposaient pas à la publication des articles parce qu’ils n’aimaient pas les auteurs ou leurs conclusions, mais plutôt en raison des erreurs grossières et évidentes que ces derniers avaient fait. Du « travail de mauvaise qualité » serait la bonne description.  

Les scientifiques faisaient référence au journal, Energy and Environment, dans plusieurs courriels, surtout après qu’il ait publié un article particulièrement mauvais de Baliunas et Soon. Le groupe de scientifiques, qui étaient les auteurs de la plupart des courriels volés, ont décidé d’effectuer un examen approfondi de l’article pour le discréditer. Le Energy and Environment n’est pas un journal de haut niveau. Il ne fait pas partie de la liste du Journal Citation Reports, qui répertorie les 6 000 meilleurs journaux. Le nom de l’éditrice de ce journal me dit quelque chose. Cette éditrice, Sonja Boehmer-Christiansen, dont la qualité du travail inquiète les scientifiques, est la source d’une note de bas de page importante dans le livre L’écologiste sceptique de Lomborg. Lomborg prétend que les négociations visant à freiner les changements climatiques ne sont pas poussées « comme vous l’auriez pensé, [par] l’éventuel réchauffement climatique », mais plutôt par les fabricants d'éoliennes, les chercheurs dans le domaine climatique et d’autres « intérêts institutionnalisés ». Quelle était sa source? Seulement un nom. Pas d’article de référence. Rien. Juste Sonja Boehmer-Christiansen. 

Les problèmes de préservation des données affectent les chercheurs dans beaucoup de domaines de la science. N’importe qui deviendrait fou à essayer de régler tous les problèmes techniques en informatique ou de gérer différentes plateformes. Si la conservation des données était un véritable problème à East Anglia, les autres scientifiques n’obtiendraient pas les mêmes résultats lorsqu’ils utilisent leurs propres systèmes et leurs propriétés intellectuelles pour transférer les données brutes dans des formats compatibles avec les ordinateurs.  

Le point important à retenir est que les données brutes (au moins 95 %) sont publiques depuis des années. Des scientifiques indépendants du monde entier ont jonglé avec ces chiffres de nombreuses façons et continuent de dire que le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevé en un million d’années, et qu’il n’a jamais fait aussi chaud dans les 1 000 dernières années.  

Voici maintenant une autre critique de mon article :  

Il semble que ce cas de Hackergate retournera sûrement au Climategate. Il semble que la personne qui a volé les courriels et les fichiers de données au CRU était un employé du CRU du Hadley Center. Cette personne communique maintenant avec Steve McIntyre du site ClimateAudit. La taupe lui a même fait parvenir un fichier de données de nature hautement délicate que McIntyre n’avait pas réussi à obtenir à l’aide des lois d’accès à l’information britanniques. Le fichier contient toutes les données des stations du monde entier (inchangées) que McIntyre voulait se procurer depuis un bon moment.

Pour vous illustrer à quel point la situation se dégénère au Royaume-Uni, le Met (l'équivalent britannique du National Weather Service américain) a mis toutes ses données à la disposition du public et a ouvert une nouvelle enquête sur la température du globe des 160 dernières années. Nous aurons les résultats en 2012. C’est bien long. Pendant ce temps, je regarde les données sur la glace marine Arctique; elles contredisent tout ce que nous avons entendu ces dernières années. La glace marine est revenue, nonobstant ce que nous avons vu ou entendu à la télévision et à la radio.

DJ 

« La glace est revenue? » Voilà une belle prétention. L’imagerie Quiksat montre que l'amincissement de la glace est une tendance qui s'aggrave. Une grande partie de la glace de plusieurs années de l’Arctique a disparu. La superficie de la glace était un peu plus grande en 2008 et 2009 qu’en 2007. Cependant, le volume de la glace était bien moins élevé en 2008 et en 2009. Le groupe ironiquement appelé « Friends of Science » avait suscité l’espoir en indiquant qu’une augmentation minime de la surface de la glace permettrait à quelques ours polaires de survivre. Mais David Barber de l’Université du Manitoba a fait le voyage pour vérifier et a déclaré que toute la région était un « gruyère » ou était « fichue ». 

Les données des satellites montrent que la glace arctique a disparu sur des millions de kilomètres carrés. Il est possible de le constater à l'aide de photos prises de l'espace. Vous voulez donc nous faire croire que les rusés scientifiques de East Anglia ont intercepté des images satellites et ont trafiqué les photos? Ou alors, il n'y a pas de satellites! Peut-être qu'ils ont utilisé un studio près de Norwich et qu’ils possèdent un modèle de la terre qu’ils peuvent filmer comme s'ils étaient dans l'espace!  

En ce qui concerne la possibilité  que ce soit une « taupe » qui ait volé les courriels, je dois supposer que tout est possible. Cependant, il faut mettre en doute ce renseignement lorsque vous supposez que cette « taupe » est « un employé du CRU du Hadley Center ». C’est fascinant. Le CRU est le Groupe des recherches sur le climat de East Anglia et est situé à Norwich. Il n’est en aucun cas lié au Hadley Centre du gouvernement britannique, qui est situé à Exeter (et qui a été mis sur pied par la radicale au regard fou, Margaret Thatcher). 

Rien de tout cela ne signifie que nous devons être consternés que les autorités effectuent une enquête. Si nous ne tenons pas une enquête, ceux qui refusent de croire aux changements climatiques et le lobby des combustibles fossiles attaqueront les faits scientifiques et se serviront des quelques sorties excessives et humaines de personnes honnêtes pour miner la légitimité du travail des scientifiques. Mais nous devons être prêts.  

D’autres courriels seront volés. Plus de scientifiques seront attaqués. Nous ne devons pas rester les bras croisés et attendre la fin de l’enquête sur le vol des courriels du CRU. Et nous ne pouvons pas espérer un seul moment que l’histoire s’arrêtera là si les scientifiques sont disculpés à la fin de l’enquête. Le travail de déni des changements climatiques est bien financé et alimenté par la paranoïa, la peur d'un gouvernement mondial (comment pouvons-nous les intéresser à l'OMC alors?), les théories du complot et un engagement bien ancré de ne PAS accepter les faits scientifiques clairs. 

Il est impossible de convaincre ces personnes, mais il reste des gens qui sont vraiment confus. Ils veulent qu’une personne leur explique clairement la situation. Voilà le travail des Verts. 

Défendons les scientifiques qui n’ont rien fait de mal. Travaillons à rédiger un traité efficace à Copenhague. Assurons-nous d’éviter un réchauffement précipité en demandant des réductions suffisantes pour au moins arrêter l’augmentation des émissions de GES à l’échelle mondiale d’ici 2015-2016. 

Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Malheureusement, nous devons pour l’instant défendre notre arrière-garde pour protéger la vérité.