Quand un moratoire n’est-il plus un moratoire?

Elizabeth May

L’édition du Times Columnist du 2 juin annonçait en grande primeur que la société pétrolière Enbridge affirmait que « les gouvernements fédéral et provincial lui avaient tous les deux garanti qu’il n’existait aucun moratoire légal sur la venue de pétroliers dans les ports de la Colombie‑Britannique. »

Enbridge espère obtenir un permis pour construire un pipeline afin de transporter le bitume des sables bitumineux vers le port de Kitimat, d'où il sera réacheminé vers la Chine par pétrolier. Le tracé du pipeline, en plein cœur des contrées sauvages du nord de la Colombie‑Britannique, est décrié par toutes les Premières nations qui se trouvent sur sa route ainsi que par les groupes environnementaux, le NPD fédéral et, bien entendu, les verts.

Le moratoire contre l’exploration et l’exploitation des ressources pétrolières et gazières et le trafic pétrolier le long des côtes de la Colombie-Britannique est en vigueur depuis 1972.

J’étais justement à la Chambre aujourd’hui pendant la période des questions, lorsque le ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis, a parlé du moratoire. Il a affirmé qu’il n’existait en fait aucun moratoire contre l’exploitation des ressources pétrolières au large de la Colombie-Britannique et que seul un « moratoire volontaire s’appliquait au trafic pétrolier. »

Qu’entend-il au juste par « moratoire volontaire »? De toute évidence, les pétroliers ne restent pas au large volontairement. Pendant près de 40 ans, les côtes britanno-colombiennes ont bénéficié de la protection d’une politique appliquée par le gouvernement, qui interdisait aux pétroliers de s’approcher des côtes de la province. Le moratoire était une question politique et n’a jamais fait l’objet d’une loi, mais de là à le qualifier de « volontaire », il y a une énorme différence.

Tandis que le ministre Paradis réitérait sa réponse toute faite à Jack Layton (merci Jack d’avoir soulevé la question), John Baird, le ministre des Transports, apostrophait les parlementaires, l’air moqueur : « Combien de voitures sur l’île de Vancouver carburent au pétrole? Comment comptez-vous envoyer un avion en Colombie-Britannique sans carburant »

Les railleries de Baird en disaient beaucoup plus long sur la position du gouvernement que le langage méthodique de Paradis.

Ainsi, au moment même où le pétrole coule à flot dans le golfe du Mexique, les côtes de la Colombie‑Britannique sont protégées uniquement par l’engagement et l’information des citoyennes et des citoyens. Il nous faut une loi.