CdP16

Elizabeth May

Pour un sommet ignoré des médias, un sommet sur lequel les gouvernements préféraient ne pas s’étendre, un sommet donné ennuyant par les groupes environnementalistes, la seizième Conférence des Parties de Cancún s’annonce fort intéressante.

En effet, le sommet s’annonce prometteur puisque la Norvège maintient son engagement initial, les pays en développement présentent une proposition ambitieuse et Grenade continue d’insister sur la prolongation du Protocole de Kyoto. Pendant ce temps, les États-Unis et le Royaume-Uni affirment être disposés à signer pour une seconde période d’engagement, dans la mesure où les autres nations s’y engagent également. Le Venezuela et la Bolivie réclament pour leur part de limiter la hausse de la température moyenne mondiale à 1,5 degré Celsius. Il y a cependant un bémol – le Japon s’est déclaré catégoriquement opposé à une seconde période d’engagement, une position reprise par la Russie et le Canada.

Quant au scandale du jour, WikiLeaks a révélé les méthodes employées par les États-Unis autour de l’accord inutile de Copenhague : manipulations financières, menaces, espionnage, promesses de soutiens, etc. Assise dans l’autobus qui m’amenait de l’aéroport vers le site des négociations ce soir, le journaliste danois qui prenait place à mes côtés était d’accord pour dire que toute cette corruption était même très évidente. Mais les efforts pour mettre à jour des ententes nationales gênantes et les efforts de la CIA pour trouver des poux aux autres nations ont profondément choqué la communauté internationale. Le contenu sans équivoque des câbles divulgués démontre clairement que les ÉtatsUnis ont proposé d’acheter l’appui d’autres nations pour l’Accord de Copenhague.

Seuls des entretiens informels auront lieu dimanche, alors que les négociations reprendront lundi seulement. Aujourd'hui, le Canada a remporté un autre Fossile du jour. En effet, personne n’est dupe des efforts déployés par le Canada pour saboter Kyoto, mais notre négociateur en chef a esquivé la question chaque fois qu’elle lui a été posée.

Pendant ce temps, WikiLeaks a révélé au monde entier que la rhétorique d’écoblanchiment et « Save the World » (sauvons la planète) employée par l’administration Obama l’an dernier à Copenhague n’était rien d’autre qu’un écran de fumée. Pendant que les négateurs du changement climatique s’attaquaient ouvertement aux scientifiques de l’Université d’East Anglia, qui n’avaient absolument rien à se reprocher, en ignorant complètement le fait que des pirates avaient pénétré leur réseau informatique et volé des documents confidentiels, l’épisode WikiLeaks est traité d’une tout autre façon. En effet, aujourd’hui c’est plutôt WikiLeaks qui fait l’objet d’une chasse aux sorcières, tandis que personne ne s’intéresse au contenu exposé.

Deux poids, deux mesures? Les médias internationaux et les dirigeants politiques n’ont jamais réclamé une enquête pour mettre la main au collet de l’auteur du piratage; ils ont seulement réclamé une enquête publique sur les scientifiques victimes de l’attaque. Voler, c’est voler. Habituellement, des documents secrets sont secrets pour une bonne raison. Par exemple, je félicite l’ambassadeur d’Afghanistan qui a fait part de ses inquiétudes liées à l’utilisation de fonds canadiens pour enrichir des membres corrompus du gouvernement afghan.

WikiLeaks est certes un problème de taille sur le plan de l’éthique. Journaliste ou voleur? Néanmoins, contrairement aux criminels qui ont piraté les ordinateurs d’East Anglia, WikiLeaks est transparent. L’organisation existe pour publier des documents gouvernementaux faisant l’objet de fuites et, bien que WikiLeaks protège ses sources, l’identité de ses fondateurs est connue de tous. On ne peut cependant pas en dire autant des voleurs d’East Anglia. Les personnes impliquées œuvrent de façon transparente, et ils réclament la même transparence de leurs gouvernements. Bien que l’hypocrisie de nos dirigeants politiques n’ait rien d’extraordinaire, le fait que les États-Unis, sous la gouverne d’Obama, tentent de monter les autres nations contre le Protocole de Kyoto, tout comme Georges Bush l’a fait avant Obama, m’amène à me questionner – qu’est-il de son slogan, « hope and change » (espoir et changement)?