Qui a décidé que les biotechnologies étaient des technologies gagnantes?

Elizabeth May

Le gouvernement fédéral - toute allégeance politique confondue - est médiocre pour choisir des technologies gagnantes. Les Canadiens ont littéralement perdu des dizaines de milliards de dollars quand l’éléphant blanc Énergie atomique du Canada limitée (ÉACL) a vu la grande majorité de son infrastructure vendue à prix d’aubaine à SNC Lavalin. ÉACL a été vendu pour 15 millions $ en plus de l’engagement d’une aide financière de 75 millions $ du gouvernement.

L’expérience nucléaire devrait avoir été une leçon apprise avec humilité et devrait servir d’exemple de la capacité du gouvernement fédéral de choisir des gagnants économiques. Il n’en est rien. Après avoir dilapidé des milliards dans le nucléaire, le gouvernement fédéral, tout d’abord sous les libéraux et maintenant sous les conservateurs, a décidé de donner des dizaines de millions $ dans le secteur des biotechnologies. Sans faire preuve d’aucune prudence ou sans planification de rendement sur les investissements, la biotechnologie a été désignée la priorité pour les subventions.

C’est ironique, parce que, autrement, on pourrait penser que l’approche philosophique de Stephen Harper serait de s’abstenir d’intervenir dans les marchés, en versant des subventions pour favoriser les entreprises. Les investissements dans le nucléaire n’ont jamais été justifiés, et Stephen Harper a continué à verser des subventions à l’industrie pétrolière et à celle des biotechnologies, comme le faisait Chrétien.

Dans le budget 2013, lorsque nous étions censés être en mode restriction, des dizaines de millions de dollars du fédéral ont été engagés dans les biotechnologies. Se sont ajoutés aux dépenses antérieures une somme de 165 millions de dollars à Genome Canada et un autre 225 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l’innovation, le communiqué de presse de cette dernière subvention soulignant le potentiel dans les biotechnologies. Les 121 millions de dollars (sur deux ans) sont vraisemblablement disponibles pour les biotechnologies aussi.

Pourtant, les biotechnologies ont produit quoi au juste? Malgré l’assurance aveugle qui persiste que les OGM sont bons pour notre économie, aucune donnée ne vient soutenir cette affirmation.

Prenons par exemple la motion de Murray Rankin pour l’étiquetage des OGM. Comme l’ont fait les Verts avant lui, les efforts de Murray Rankin (député de Victoria) pour faire adopter une motion sur l’étiquetage obligatoire des OGM sont grandement appuyés par la vaste majorité des Canadiens – sinon par les autres partis.  Nous devons reconnaître que la très grande majorité des Canadiens, entre 80 et 90 %, veut l’étiquetage obligatoire pour donner confiance aux consommateurs dans nos produits alimentaires.

La demande pour l’étiquetage obligatoire va en augmentant. Pourtant Santé Canada a rejeté la demande de l’étiquetage obligatoire pour les produits alimentaires qui contiennent des composants d’OGM. La politique des Verts est là depuis longtemps et j’attends impatiemment d’appuyer la motion de Murray Rankin n’importe quand cet automne.

Pendant ce temps, la science nous indique peu à peu que les OMG ne livrent pas leurs promesses de meilleures souches et variétés de produits agricoles plus robustes. Un récent article dans Nature soulignait que les bonnes vieilles méthodes de croisement offraient d’excellents résultats pour mettre au point des cultures de maïs capables de résister à des conditions extrêmes, comme les sécheresses.

Dans un article du 16 septembre 2014, Nature indiquait que la technologie des OGM n’engendrait pas d’aussi bons résultats que la reproduction sélective pour mettre au point des souches résistantes aux sécheresses. Dans l’article « Cross-bred crops get fit faster: Genetic engineering lags behind conventional breeding in efforts to create drought-resistant maize » (Les cultures de croisement s’adaptent plus rapidement : les organismes génétiquement modifiés trainent de la patte derrière le croisement classique pour créer du maïs résistant aux sécheresses),  Nature s’attarde sur une vaste étude pour mettre au point du maïs tolérant aux sécheresses pour l’Afrique. Avec un investissement de 33 millions de dollars, ce projet a fourni sans le vouloir une preuve indéniable que les plantes génétiquement modifiées ne donnent pas les résultats des croisements en ce qui a trait au maïs résistant. Le croisement classique a montré un potentiel extraordinaire, surpassant toute technologie OGM :

 

Une analyse publiée plus tôt cette année indique qu’à la fin du projet en 2016, les productions supplémentaires du maïs tolérant aux sécheresses pourraient réduire jusqu’à 9 % le nombre de personnes vivant dans la pauvreté dans les 13 pays (R. La Rovere et al. J. Dev. Areas 48(1), 199–225; 2014). Au Zimbabwe seulement, ces rendements pourraient aider plus d’un demi-million de personnes. (Nature)

 

Comme les changements climatiques font augmenter les sécheresses extrêmes (tout comme les déluges soudains), les cultures doivent être résistantes à la sécheresse. Il s’avère que le croisement dans les environnements locaux donne de bien meilleurs résultats que les épissages d’OGM en laboratoires.  

Cette recherche nous rappelle avec justesse que nous devons évaluer les nouvelles technologies « miracles ». Avant de tout miser sur de telles technologies et de nouvelles approches sur-publicisées,  n’oublions pas de donner à toutes ces approches des règles d’évaluation uniformes. Ne gaspillons pas des milliards de dollars dans les biotechnologies comme nous l’avons fait avec le nucléaire pour tout abandonner par la suite. Demandons plutôt aux secteurs des biotechnologies et à l’agriculture traditionnelle de concurrencer sur des objectifs qui visent notre mieux-être. Pas seulement les profits de Monsanto.