Le budget, bis : manque de vision et de planification à long terme

OTTAWA
Comme on s'y attendait, le budget postélectoral reprend le budget d'avant les élections,
à deux grandes exceptions près – l'ajout de 2,2 milliards de dollars pour
l'harmonisation des taxes de vente du Québec et l'élimination graduelle du
financement public des partis politiques fédéraux.

Le Parti
vert du Canada est toujours aussi préoccupé par la démarche du gouvernement Harper.
En effet, le budget 2011 n'a aucune vision et ne propose aucune mesure
fiscale sur le long terme. Comme le soulignait la vérificatrice générale Sheila Fraser
dans son allocution d'adieu (25 mai, Club canadien d'Ottawa), sans
planification à long terme, il est impossible de voir comment le gouvernement
compte réagir aux enjeux de l'heure. Fraser mentionnait trois grandes lacunes
relevées dans le cadre de ses travaux : la crise qui sévit dans plusieurs
collectivités des Premières nations, la menace que représente l'infrastructure
vieillissante, au niveau fédéral et dans tous les secteurs gouvernementaux, ainsi
le danger posé par l'accélération rapide des changements climatiques. Le budget
ne propose aucune mesure concrète pour contrer ces menaces, mis à part quelques
mesures de caractère symbolique pour faire bonne figure dans chacune de ces
catégories.

Comble de
l'ironie, le budget mentionne à plusieurs reprises les répercussions des
changements climatiques comme constituant autant de menaces à la relance de
l'économie mondiale, sans pour autant faire le lien avec les changements climatiques.
Ainsi, la flambée des prix des denrées alimentaires serait attribuable à des
« restrictions de l’offre liées aux conditions météorologiques
(p. 39). Pendant ce temps, les dépenses d'infrastructure et les
compensations requises pour faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes prévues
au budget de 2011 seraient également liées aux conditions météorologiques. Plus
particulièrement, le réchauffement du pergélisol ayant compromis l'intégrité
des routes de glace de l'Arctique, 150 millions de dollars sont requis pour
le projet routier d'Inuvik à Tuktoyaktuk (p. 115); 470 millions de
dollars seront accordés aux exploitants agricoles à la suite des inondations
survenues au printemps de 2010 dans l’Ouest

Canadien
(p. 118); et 72 millions de dollars serviront à réparer les ports
pour petits bateaux endommagés par des tempêtes (p. 117). D'après les
mises en garde de la vérificatrice générale, ces sommes ne constitueraient que
la pointe d'un gigantesque iceberg. En revanche, les trois enjeux importants
identifiés par Fraser sont au cœur de la plateforme électorale 2011 du
Parti vert du Canada.

D'autant
plus que plusieurs facteurs menacent de faire tomber les lunettes roses du
gouvernement sur le plan de la fiscalité. En effet, le gouvernement fédéral a
profité de taux d'intérêt relativement bas sur la dette du Canada attribuables
à la tendance de la Réserve fédérale américaine à maintenir les taux d'intérêt
bas en période de crise. Cependant, les taux d'intérêt pourraient remonter. Sans
compter que la force bancale de l'économie américaine permet de douter de la
croissance et de la santé actuelles de l'économie canadienne.

Ainsi,
l'approche actuelle du gouvernement ne fait aucune place à la résilience en cas
de perturbation imprévue dans le paysage international. En outre, elle ne
permet pas d'anticiper les menaces que représentent les impacts des changements
climatiques et l'infrastructure en déclin.

Le seul
objectif de ce budget est de réduire le déficit tout en préservant les
réductions d'impôt accordées aux grandes sociétés. L'accélération de la
réduction du déficit demeure encore à démontrer à l'Examen stratégique et
fonctionnel prévu au budget de l'an prochain.

« Nous
ferions les choses autrement. Il ne fait aucun doute que le Canada doit
éliminer le déficit, mais le Canada n'est pas contraint de réduire encore une
fois l'impôt des grandes sociétés. À la lumière des incertitudes mondiales,
nous croyons que le Canada doit rééquilibrer sa position dans l'OCDE pour se rapprocher
du milieu de peloton en ce qui a trait aux recettes fiscales du gouvernement et
éviter de sabrer autant les programmes. Dans l'ensemble, nous devons penser au‑delà
de 2015 pour voir comment nous pourrons dynamiser notre économie et éliminer le
déficit tout en conservant une certaine flexibilité pour pallier les chocs
économiques », a dit Elizabeth May, députée de
Saanich-Gulf Islands et chef du Parti vert du Canada. « Ce budget et
ce plan fiscal fonctionneront uniquement si tout va comme prévu. Une
planification prudente aurait misé sur une perspective à plus long terme et
prévu une marge d'erreur. »

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