Au moment où fait rage le débat sur le pipeline Keystone chez nos voisins du Sud, il ne faudrait pas oublier certains faits. Chaque pipeline dont on fait actuellement la promotion – de l’Alberta au Pacifique (Enbridge et Kinder-Morgan), de l’Alberta vers l’Atlantique (Énergie Est) ou de l’Alberta au golfe du Mexique (Keystone) – se résume à une chose : acheminer du bitume non traité vers la mer. Tous.
Voilà pourquoi les conservateurs de Stephen Harper font la promotion de tous ces projets. L’idée d’acheminer par bateau du bitume non traité vers l’extérieur du Canada ne faisait pas partie de leur plan avant la crise financière de 2008. À ce moment, ils voulaient transformer du bitume solide en brut synthétique. Les transformateurs de l’Alberta se sont retirés de ce projet à la suite de la crise financière, comme on l’a fait pour l’expansion planifiée du goudron et des sables bitumineux. Lorsque la situation financière s’est améliorée, les plans d’expansion ont refait surface.
Mais les projets de transformation ont été remplacés par les projets pipeliniers. Prendre le bitume solide et le mélanger avec du condensat de combustible fossile (appelé diluant) pour faire du bitume fluide est devenu à la mode. Le mélange de bitume et de diluant, appelé dilbit, est selon les experts impossible à nettoyer en cas de déversement. Grâce à Enbridge - et à sa culture de négligence (comme décrite par les responsables américains dans les transports) - qui a acheminé des milliers de barils de dilbit dans des conduits brisés vers la rivière Kalamazoo au Michigan, nous savons que le dilbit est impossible à nettoyer.
Transporter par bateau du dilbit implique aussi une circulation dans les deux sens de matériel toxique. La plupart des diluants sont envoyés en Alberta. Actuellement, le transport se fait presque entièrement par train. Les convois ferroviaires suspendus de façon précaire au-dessus de la rivière Bow lors de l’inondation de Calgary étaient remplis de diluant toxique, surtout du naphta et du très cancérigène benzène et du butane. Un déraillement récent en Saskatchewan nous a fait redouter le pire de convois pleins de diluant qui était transporté vers l’Alberta. Enbridge veut des pipelines jumeaux et des pétroliers qui iront à Kitimat pour envoyer des diluants toxiques vers l’Alberta, qui seront à cette étape mélangés avec du bitume qui sera acheminé de nouveau à Kitimat pour être transporté cette fois-ci dans des pétroliers géants. Le plan dans son ensemble est de la folie pure.
Le syndicat canadien qui représente les travailleurs des sables bitumineux, UNIFOR, s’oppose aux pipelines. Chaque pipeline qui achemine du dilbit destiné au raffinage dans d’autres pays signifie que des dizaines de milliers d’emplois au Canada seront destinés aux autres pays.
Et chaque pipeline entraîne l’expansion des sables bitumineux. Actuellement, les niveaux de production sont d’un peu moins de 2 millions de barils de bitume par jour. Le but de Stephen Harper est d’atteindre 6 millions de barils de bitume par jour. Garder le bitume en Alberta pour le raffiner entraînera la création de bien plus d’emplois au Canada que les projets pipeliniers et l’expansion rapide de la production de bitume. Et, bien sûr, l’expansion rapide de la production de bitume est complètement incompatible avec la transition obligée vers d’autres combustibles que les combustibles fossiles.
Le Parti vert est le seul parti qui s’oppose à tous les projets pipeliniers. Nous nous opposerons à tous les projets pipeliniers qui comprennent le transport de bitume brut à l’extérieur du Canada. Nous devons nous doter d’une politique énergétique nationale avec un plan solide qui s’attaquera aux changements climatiques. Nous devons nous assurer que d’ici 2100, la production de bitume canadien sera destinée aux produits pétrochimiques et non aux combustibles. Nous devons reconnaître qu’en tant que ressource, ces produits sont à la fois trop importants et trop dangereux pour qu’on les brûle.
Tout cela est faisable. Mais cela ne peut se produire si même un seul pipeline de dilbit est approuvé.
Elizabeth May, O.C.
Députée de Saanich-Gulf Islands
Chef du Parti vert du Canada