La façon dont nous votons

Elizabeth May

Il y a de nombreux appels suggérant de voter de façon stratégique qui ont été lancés par des organismes non partisans servant la cause de l’environnement. La populaire pétition en ligne d’« Avaaz.ca » a recueilli des fonds pour créer des annonces anti-Harper dans trois circonscriptions où le siège des Conservateurs est chaudement contesté. L’une de ces circonscriptions est la mienne, soit Nova-Centre. Maintenant, Avaaz fait le lancement d’une campagne qui touchera le pays en entier. L'organisme a réuni pour l'occasion des artistes canadiens populaires pour créer la chanson « You Have a Choice ». Cet effort est accompagné d’un engagement en ligne à voter pour bloquer les Conservateurs de Harper. Cette méthode « inter-partisane » et « post-partisane » de faire campagne est bien là le signe que notre système électoral ne fonctionne pas.

Les médias continuent de dire que les chiffres d'Harper le placent près de la « zone du gouvernement majoritaire », alors que les sondages lui donnent constamment des résultats avoisinant les 35 %, ce qui n’est même pas près de représenter la majorité des Canadiennes et des Canadiens. Pour la prochaine élection, nous faisons face à la possibilité d’avoir une fausse majorité d’Harper, ce qui signifie que ce dernier pourrait avoir une majorité de sièges à la Chambre des communes tout en ayant obtenu un appui minoritaire de la part de la population. Bien entendu, il existe aussi du point de vue du Parti Vert des arguments solides qui peuvent être avancés contre le système majoritaire uninominal. Malgré l’obtention de 660 000 votes aux dernières élections, les Verts n’ont fait élire aucun député. Ce n’est pas étonnant que les Canadiennes et les Canadiens perdent la foi en notre processus électoral, lorsque les résultats sont aussi manifestement antidémocratiques et qu’ils reflètent le point de vue d’une partie limitée de la société.

Il a été dit qu’aucun gouvernement n’oserait remplacer le système qui lui a permis d'accéder au pouvoir. Toutefois, Jack Layton affirme que son parti est pour la représentation proportionnelle. Je pense qu’il lui serait difficile de rejeter la possibilité de mettre en application ce système s’il en a l’occasion. Évidemment, le Parti Vert préconise également la représentation proportionnelle. Nous allons même jusqu’à inclure la mise sur pied d'un système à représentation proportionnelle dans nos priorités pour la première année de notre mandat, si jamais nous accédons au pouvoir. Bien que le Parti libéral n'ait jamais été très enthousiaste à l’idée de remplacer le système majoritaire uninominal, Stéphane Dion a déclaré ce mois-ci sur la radio nationale qu’il serait d’accord pour essayer le mode de scrutin préférentiel. Dans ce système, les électrices et les électeurs seraient en mesure d’indiquer leurs choix en ordre de préférence sur leur bulletin de vote, ce qui permettrait de prendre en considération également leurs deuxième et troisième choix d'une manière ou d'une autre dans les résultats du vote. Ce système donnerait un résultat plus précis de l’intention des électrices et des électeurs que le système majoritaire uninominal, tout comme le feraient d’ailleurs de nombreux types de systèmes à représentation proportionnelle.

Si les partis de l’opposition s’unissent au sujet d'une seule question pour défier un possible gouvernement Harper, il devrait s’agir de celle-ci. Bien que les Libéraux et les Néo-démocrates aient des différences partisanes mineures sur la plupart des points politiques, dont les étapes nécessaires à la lutte contre les changements climatiques, il serait possible de faire beaucoup de progrès au moyen de la coopération et d’un dialogue respectueux. Si un gouvernement conservateur est élu, j’aimerais être en mesure de parler de ce que nous pourrions faire pour former une coalition. J’aimerais que les chefs des autres partis s’unissent sur certains principes communs. L’un de ces principes serait l’établissement d’une démocratie en santé. La première mesure que pourrait prendre une coalition verte serait de travailler à la mise en œuvre d’une réforme électorale qui ferait en sorte que les Canadiennes et les Canadiens n’aient plus jamais à faire le choix entre un vote fait avec leur tête et un vote fait avec leur cœur.