Harper contre les réfugiés : nouvelles mesures de répression

Elizabeth May

Tout est une question de perspective. Les nouvelles mesures de répression sont présentées comme une solution à la « migration clandestine ».

L’image évoquée est celle de navires remplis à ras bord de terroristes éventuels prêts à prendre d'assaut nos rivages.

Et si on déplaçait un peu le cadre, histoire de modifier la perspective? Pourrait-il s’agir d’une campagne de répression contre les réfugiés? Des gens désespérés en quête d’une échappatoire à la persécution?

Et si le passeur clandestin était une sorte de Schindler? Et si les réfugiés tentaient d’échapper à un nouvel Hitler?

Bien entendu, lorsqu’un navire rempli de réfugiés juifs échappés de l’Allemagne nazie avait cherché à accoster au Canada en 1939, le gouvernement de Mackenzie King avait refusé qu’ils débarquent et les avait renvoyés vers l’Allemagne de Hitler. La nouvelle loi de Harper est donc beaucoup plus humaine. En effet, avec cette loi, nous autoriserons les réfugiés à débarquer, mais nous les enfermerons dans une prison pendant un an.

Qu’en est-il des réfugiés arrivés plus récemment? Il n’y a pas si longtemps, les « réfugiés de la mer » du sud du Vietnam étaient accueillis dans des collectivités canadiennes partout au pays.

Pourquoi donc instaurer ces nouvelles mesures de répression?

C’est une question purement politique.
 
Dans les faits, la majorité des réfugiés arrive par avion, pas par bateau.

L’idée que les réfugiés de la mer agissent ainsi pour « éviter la file d’attente » ne tient pas la route. Par définition, les gens qui tentent d’échapper à la persécution ne peuvent pas se rendre à un consulat dans leur pays d’origine pour demander la permission de quitter le pays. J’ai déjà pratiqué le droit de l’immigration et défendu les droits des réfugiés. Je me souviens d’un jeune matelot qui avait abandonné son navire à Halifax. Il tentait d’échapper à la dictature de Nicolae Ceausescu, dans l’ancienne Roumanie communiste. Il n’y avait aucune file d’attente pour échapper à la persécution. Les mesures désespérées constituent le lot des réfugiés. Je l’ai représenté pendant tout le processus de demande du statut de réfugié, lui ai trouvé un endroit pour vivre et lui ai obtenu un permis de travail. Comment peut-on justifier qu’il aurait mieux valu pour lui d’être incarcéré pendant un an?

Pourquoi les réfugiés de la mer devraient-ils être traités différemment des demandeurs du statut de réfugié qui débarquent dans nos aéroports?

Amnistie Internationale est catégorique – cette loi viole les obligations internationales du Canada en vertu de trois traités : la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle viole également la Charte canadienne des droits et libertés.

Les manœuvres politiques à courte vue donnent toujours des politiques infectes. J’étais ravie de constater que le quotidien britanno-colombien The Province avait profité de son éditorial pour souligner le caractère soudain de cette mesure, qui relève davantage d’un mouvement de panique provoqué par l’arrivée à Vancouver d’un navire de réfugiés tamouls.

Il faut refondre cette loi afin de mettre en place des mesures décentes pour les réfugiés et des peines appropriées (et nous en avons déjà un bon éventail) pour les passeurs qui les guettent et les exploitent.