L’intensité des négociations augmente à mesure que la fin des négociations approche, que les minutes s’égrènent. Un groupe de jeunes militants présents à Cancún ont imprimé un message puissant sur leurs t-shirts. Ce sont les paroles prononcées par une jeune femme des îles Salomon, Christina Ora, à la Conférence tenue l’an dernier, à Copenhague : « Vous avez négocié toute ma vie. Ne me dites pas qu’il vous faut encore du temps. »
Le temps presse, et ce, peu importe comment nous le mesurons. Le délai le plus impitoyable est sans contredit celui fixé dans l’atmosphère, où les gaz à effet de serre ne cessent de s’accumuler. Les délais de négociation peuvent sembler malléables, mais les délégations et les gouvernements du monde entier (pour la plupart) sont bien conscients des dangers que représente l’accélération rapide des changements climatiques. Il y a vingt ans, les négociateurs parlaient du climat d'un point de vue de protection de l’environnement. Aujourd’hui, il est question de sauver des vies humaines.
Ce soir, la présidente de la CdP, Patricia Espinosa, la ministre mexicaine des Affaires étrangères, a convié la plénière à une séance bilan. La ministre Espinosa a fait un travail remarquable. De toute évidence, elle est bien déterminée à ne pas renouveler l’expérience de Copenhague, alors que des négociations secrètes avaient miné la confiance dans le processus. Elle a fait preuve de diplomatie, d’intelligence et de fermeté dans sa gestion des négociations. Dimanche, lors de la séance plénière informelle, elle a jumelé les gouvernements (un du Sud et un du Nord) en les mandatant de tenir des consultations sur des questions non résolues qu’elle leur a ensuite attribuées. L’ambiance ce soir, au moment où elle recevait le bilan de chaque paire de nations à tour de rôle, était prudemment optimiste.
L’Équateur et la Norvège se sont vus confier l’étude d’un mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD). Le ministre de l’Équateur a annoncé qu’ils étaient sur le point de conclure une entente. La présidente s’est alors tournée vers l’ambassadeur de la Norvège pour obtenir des commentaires additionnels. Il l’a remerciée en la qualifiant de « chère amie », affirmant qu’elle n’avait rien oublié, mais qu’il souhaitait simplement remercier tous les membres de son groupe de travail pour l’« esprit de compromis » dont ils avaient fait preuve : « Il est facile de se quereller dans cette salle. Les avenues pour décortiquer une question sont nombreuses, et il est facile de se monter les uns contre les autres. Je pense que le mot compromis est le plus beau mot jamais inventé. Je sais que certaines personnes croient que le compromis est un signe de faiblesse. Mais aucune famille ne peut survivre sans compromis. Aucune nation ne peut survivre sans compromis. La communauté internationale ne peut survivre sans compromis. Alors j’espère de tout cœur que toutes les parties feront des compromis afin que demain, il n’y ait ni gagnants, ni perdants, mais bien une victoire pour tout le monde. » Ses paroles furent accueillies par un tonnerre d’applaudissements.
Tous les groupes ont présenté un bilan avec un « optimisme prudent », à l’exception du tandem Royaume-Uni—Brésil, qui travaillait sur la question la plus épineuse et la plus critique de la coopération à long terme et du Protocole de Kyoto. Ils étaient encore en négociation et ont demandé à poursuivre leurs pourparlers au lieu de présenter leur bilan à la plénière.
La présidente de la CdP, Patricia Espinosa, a remercié tous les participants, a exhorté tous les ministres à participer pleinement au processus jusqu’à la fin puis les a renvoyés dans leurs groupes de travail. Elle a promis que les nouveaux textes issus des efforts en cours seraient communiqués à toutes les parties à mesure qu’ils seraient prêts, tout au long de la nuit. La plénière reprendra à 8 h 30 demain matin.
Tandis que je partageais le sentiment d’optimisme prudent qui régnait au moment de quitter la salle, la rumeur se voulait plus pessimiste dans les corridors. Les enjeux sont tellement importants et l’équilibre sur lequel reposent les progrès de la CdP16, extrêmement précaire.
Je serais surprise si la CdP se terminait demain à 18 h. À moins que la plénière se déroule très rondement, sans mauvaise surprise (et on s’attend déjà à quelques-unes), il est fort probable que les négociations se poursuivront toute la nuit, toute la fin de semaine